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30 août 2006 3 30 /08 /août /2006 11:10
Chapitre 4
 

Faire l’unité en soi-même
 

Ce n’est jamais acquis, mais c’est une des choses que la JEC m’a apporté : faire un peu mieux chaque jour, l’unité entre la vie et la foi. Je disais plus haut : plus nous nous connaissons, plus nous pouvons parler ensemble de ce qui fait le cœur de notre vie. Quand une équipe de jécistes se retrouve, c’est essentiellement pour faire révision de vie. Apparemment, rien de bien compliqué, il suffit de voir, juger, agir !



Voir
: c’est prendre le temps de faire un petit tour en arrière et de regarder les événements que j’ai vécus ces derniers temps, les rencontres que j’ai pu faire, les situations dans lesquelles je me suis trouvé. Chacun raconte aux autres quelque chose qui lui est arrivé, ou dont il a été témoin. Il vaut mieux ne pas être trop nombreux ! Heureusement, certains sont plus timides et n’osent pas trop parler, d’autres n’ont jamais rien vu, soit parce que l’on finit par s’habituer à tout et l’on ne remarque plus rien, soit parce que l’on sait qu’il faudra agir...
Le tour de table terminé, il faut faire un choix : en un laps de temps assez court, il ne sera pas possible de tout revoir. Il faut obligatoirement se limiter. Il suffit de se mettre d’accord pour retenir un des faits rapportés et il ne reste plus alors qu’à chercher ensemble les causes et les conséquences de cet événement. Et peut-être connaissons-nous d’autres faits semblables.

Juger
: c’est prendre conscience du fait que le Christ n’est pas étranger à ce que nous sommes en train de vivre. Il est là : « j’avais faim et vous m’avez donné à manger... quand est-ce que nous t’avons vu... ? » (Matthieu 25). Le Christ est là. En relisant l’évangile, nous découvrons que ses paroles, que ses faits et gestes nous invitent à prendre à notre tour, telle ou telle attitude. Il ne s’agit donc pas de porter un jugement moral, de juger si c’est bien ou si c’est mal. Un enfant de 7 ans peut souvent le faire, tout seul, sans se retrouver avec d’autres... Il s’agit de se demander : et le Christ, que dirait-t-il ? que ferait-il ? Dans l’évangile, c’est souvent le monde à l’envers...

Agir
: il faudra sans doute prendre son courage à deux mains pour intervenir au bon endroit (d’où la nécessité de chercher les causes), de façon à ce que le Règne de Dieu grandisse : règne de liberté, de justice, de paix, d’amour. Ici, la parabole des talents est toujours un bon stimulant.


En pratiquant la révision de vie, presque chaque après-midi, des années durant, je peux dire que la JEC m’a appris à faire chaque jour un peu mieux l’unité entre ma vie et ma foi. Rien n’est jamais parfait, mais c’est au moins la route sur laquelle j’essaye de marcher. La phrase du Christ que je répète le plus souvent : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10) brille pour moi comme un phare, surtout quand il fait nuit noire.

Il n’est pas toujours facile de discerner la volonté de Dieu, de voir ce qu’il y a de mieux à faire pour que son règne vienne. Agir pour que la vie triomphe pose quelquefois question. D’où l’intérêt de faire révision de vie à plusieurs. C’est le même Esprit de Dieu qui anime chacun des participants, mais chacun est aussi à même de dire un mot en fonction de son âge, de son origine, de son éducation, bref de sa personnalité. Quand le Christ nous dit : « Vous êtes la lumière du monde », chacun apporte sa part d’éclairage en apportant ses richesses propres.

La révision de vie peut porter sur des sujets qui vont paraître anodins. Elle peut aussi porter sur d’autres sujets plus tragiques. Il ne faut pourtant pas négliger les petites choses de la vie. Un jour, je vais rendre visite à un nouveau comité qui n’avait pas d’aumônier. C’était au Lycée Technique de Libreville. Des internes avaient décidé de constituer un comité. La réunion était commencée. Première étape : Voir. Personne n’avait rien vu ! Je n’ai pas eu de mal à leur faire remarquer qu’ils étaient en train de faire réunion dans une salle de classe où l’on ne voyait presque plus le sol tellement il était recouvert de papiers ! J’ai oublié la suite !

Plus compliqué : en 1991, je me suis retrouvé en France, éjecté de la paroisse des Rois Mages où je venais de passer vingt ans. Ejecté « ane mvu » ont dit des fangs. Je croise un ami spiritain dans un couloir. Il venait d’apprendre ce qui m’était arrivé et me dit avec un petit sourire : « C’est la volonté de Dieu ». Quelques instants après, je rapporte cette réflexion à un ami gabonais qui était avec moi. Et celui-ci de rétorquer : « on a un peu forcé la main de Dieu ! » Pas toujours facile d’y voir clair...

Avec l’AJAF, chaque année, lors d’un week-end de récollection (temps de réflexion et de prière), nous faisons aussi, en quelque sorte, une révision de vie. Chacun fait part aux autres de ses projets, de ses joies, de ses difficultés. Nous nous connaissons suffisamment pour parler de nos préoccupations personnelles et plusieurs ont du mal à retenir leurs larmes quand ils évoquent leurs problèmes. Mais en général, il se trouve toujours quelqu’un pour rappeler alors certains conseils évangéliques qui sont à la fois des réconforts et des points de repère pour continuer la route.

C’est donc au cœur de nos relations que nous rencontrons le Christ. C’est sa parole qui nous éclaire, et c’est dans les rencontres, dans les événements que nous vivons, qu’il nous appelle à participer à la construction du Royaume de Dieu, qu’il a lui-même commencée voici quelques deux milles ans.
A Libreville, au Voir, Juger, Agir, nous avions ajouté « Célébrer ». Voir, Juger, Agir, Célébrer. 


Cliquez sur : La JEC marque un pas nouveau ...


Dans les années 70 - 80 un chant revenait souvent au cours de nos célébrations : « Tu es là au cœur de nos vies, et c’est toi qui nous fais vivre; tu es là au cœur de nos vies, bien vivant, o Jésus Christ ».

Dans la révision de vie, comme dans la célébration de l’eucharistie, la parole de Dieu tient une grande place : pas de révision de vie sans Nouveau Testament à portée de la main, et pas de messe sans liturgie de la Parole. Au bout du compte, on finit par ressembler un peu à Marie, la sœur de Marthe et de Lazare : on a plaisir à écouter le Christ.

A tout instant, l’une ou l’autre de ses paroles se vérifie dans le concret de la vie. A chaque révision de vie, avec un peu d’habitude, il est assez facile de trouver l’une ou l’autre attitude, l’une ou l’autre parole du Christ qui sera encouragement, apaisement, incitation, etc. Bien sûr, le monde voulu par le Christ est le plus souvent exactement le contraire de celui dans lequel nous évoluons. Le suivre, ce sera « prendre sa croix », « prendre la route étroite, et il en est peu qui la prennent » (Matthieu 7,13). Mais en même temps, au détour du chemin, on entendra aussi « n’ayez pas peur » ou bien « mon fardeau est léger ».

La célébration de l’eucharistie ne s’arrête pas à la proclamation de la Bonne Nouvelle. Dans un deuxième temps, nous offrons notre vie au Père, avec le Christ qui est allé, lui, jusqu’à donner sa vie sur la croix. Il continue, et nous continuons avec lui, à offrir au Père, poussés par l’Esprit, le meilleur de nous-mêmes, et le meilleur de ce que nous avons pu réaliser dans le concret de notre vie.
 

A Paris
 
 
 
A Nairobi
 
A Akébé, le dimanche, la messe de 10 heures était animée par les jeunes. Chaque dimanche, un comité JEC ou JOC, avec une équipe de CV-AV, préparait la prière universelle, comme dans toutes les églises. Mais chaque dimanche, ils présentaient également, avec le pain et le vin, une « action transformatrice », c’est-à-dire une action réalisée à la suite d’une révision de vie, dans la droite ligne de l’« agir ».
Il existait un comité qui n’était pas un comité tout à fait classique. C’était plutôt une bande de copains, pas tous étudiants, assez âgés par rapport à la moyenne des jécistes... Ils s’étaient baptisés : « Comité Gérard », par sympathie envers l’auteur de ces quelques lignes ! Arrive leur tour pour l’animation de la messe de 10 heures. Avec un peu d’ironie, je leur explique comment ça se passe les autres dimanches, en leur proposant de demander à un autre comité de les remplacer, eux qui ne sont pas des piliers d’église, qui ne font pas souvent de révision de vie, et qui n’ont sans doute pas d’ « action transformatrice » à offrir... J’ai droit alors à une sévère réprimande : « Comment ? Et quand on a éteint l’incendie avant-hier... la case d’une grand-mère commençait à brûler. On lui a sauvé toutes ses affaires... C’est vous qui n’étiez pas là. On sera à la messe dimanche. Et on a quelque chose à offrir ! ».

Plus récemment, en 2000, à Paris, alors que Serge, le secrétaire de l’AJAF, n’en finissait pas de lutter contre la maladie, quelques semaines avant son décès, nous avons pu célébrer en petit comité, avec lui et avec sa mère qui était venue du Cameroun, une messe où nous étions plus près de la croix que du matin de Pâques. Mais la lecture du passage où Jésus se transfigure devant trois de ses apôtres nous a rappelé qu’il n’est pas question de dresser trois tentes tout de suite. Comme Jésus, nous avons tous un mystérieux passage à effectuer, et la perspective de la mort, même suivie de la résurrection, reste une perspective peu réjouissante, surtout quand elle se vit dans la souffrance. On se sent alors tout petit, les mots n’ont plus grand sens, et la simple présence vaut peut-être mieux que bien des discours.
 

 Serge Boris Tchokomani Djomani
Décédé à Paris le 17 avril 2000

C’est sans doute pour cela que le Christ a voulu rester avec nous sous une forme plutôt mystérieuse. Ici encore on peut parler de mystère : comment le Christ peut-il rester avec nous sous forme de nourriture ? C’est pourtant comme cela aussi qu’il se donne à nous. Il est notre force sur cette route qui conduit au Père.

Voir, juger, agir, célébrer : je pourrais écrire encore quelques pages sur ce thème, mais je m’arrêterai là en répétant que ces quatre verbes mis ensemble sont pour moi un cadeau précieux de la JEC. Et derrière ces quatre verbes, je retrouve l’histoire des disciples d’Emmaüs : le Christ chemine avec eux comme il chemine avec nous. Mais il est aujourd’hui encore comme Monsieur tout le monde. La plupart du temps, on ne le voit pas. Il faut lire les Ecritures... Il nous les explique, aujourd’hui même : « lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière » (Jean 16,13) ; «  il vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14,26). Nos cœurs sont alors brûlants... Et c’est à la fraction du pain qu’on finit par le reconnaître.

Notez qu’avec les disciples d’Emmaüs, Jésus n’est pas habillé en prêtre, il ne fait pas la fraction du pain dans une église, il ne se trouve pas à l’autel... En 2000 ans, nous en avons inventé des choses ! Nous aident-elles vraiment à rencontrer le Christ dans notre quotidien ? Ne sont-elles pas souvent un écran à ce qui devrait être une bonne nouvelle dans notre vie de tous les jours ? Les « communion privée », « communion solennelle », « première communion » n’ont pas toujours un rapport très évident avec la communion entre frères et sœurs… Ne parlons pas des retours en arrière. L’épître aux Hébreux est vite oubliée et l’Ancienne Alliance revient à la surface : l’ancien prêtre, celui qu’on retrouve dans la plupart des religions, ce prêtre « sacré » n’est jamais tout à fait mort !


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Vous pouvez envoyer vos commentaires à    gerardw@spiritains.org

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