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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 11:34
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Chapitre 6
 

Une façon de s’organiser, en Eglise.

 
C’est le dernier point sur lequel je voudrais retenir un peu votre attention : la JEC m’a apporté une façon d’organiser la communauté. En arrivant à Libreville, aux Rois Mages, en 1971, j’avais donc une petite expérience de l’Action Catholique de l’Enfance, et j’ai trouvé sur place un comité JEC. Tout de suite, j’ai proposé aux enfants de s’organiser en équipe de CV-AV, et tout aussi rapidement, les jeunes ont commencé à s’organiser en comités JEC.

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Et il en fut de même avec les adultes. Un beau jour, un monsieur d’un certain âge vient me faire part de son souhait d’être baptisé. Très bien, mais qui va lui faire découvrir un peu mieux le Christ qu’il veut suivre ? Comment va-t-il faire pour comprendre un peu mieux le contenu de la Bible ? Le baptême n’est jamais que le signe d’une nouvelle façon d’envisager la vie. Comment faire puisqu’à cette époque, il n’y avait pas de catéchisme organisé pour les adultes dans la paroisse ? Heureusement, il est fang, et il existe des livres adéquats, en fang. Sans réfléchir plus longtemps, je lui demande s’il connaît, près de chez lui, des chrétiens qui pourront lui expliquer cette Bonne Nouvelle, écrite dans sa langue. Il en trouvera et ce sera le début d’un premier « groupe de chrétiens », à Akébé Plaine.

Des personnes appartenant à ce groupe, constitueront bien vite un autre groupe dans leur quartier, à Akébé Kinguélé. Pourquoi faire chaque semaine le déplacement Akébé Plaine - Akébé Kinguélé, alors qu’il n’est pas si difficile de créer un groupe chez soi ? Pas si compliqué... en apparence du moins ! Car vivre ensemble, partager, ce n’est pas toujours évident. Certains groupes n’ont pas connu une longue vie. Mais quand j’ai quitté Akébé, en 1991, il existait quatorze communautés. Quatorze communautés créées en vingt ans, ce n’est pas un exploit, mais ça commence tout de même à compter.

Sans m’en rendre compte sur le moment, j’avais calqué un peu l’organisation de ces groupes de chrétiens sur l’organisation de la JEC. Très vite, les « groupes de chrétiens » se sont appelés « communautés ». Après les « équipes » d’enfants et les « comités » de jeunes, voici donc les « communautés » d’adultes. En y ajoutant le nom du quartier, il était permis d’y voir plus clair. Plus tard, les communautés ont préféré le nom d’un saint au nom de leur quartier.

Par consensus, chaque communauté trouvait son responsable, son secrétaire, son trésorier, etc. Comme dans les comités JEC, nous avions créé toute une série de « chargés de... ». Chaque premier mercredi du mois, il y avait la réunion des responsables. En 1983, dix ans après la création de la première communauté, nous avons organisé une Assemblée Générale des Communautés. Et nous avons décidé la création d’un Bureau des Communautés chargé d’animer l’ensemble des communautés. Le Bureau devait être renouvelé par vote, à chaque Assemblée Générale, tous les deux ans.
 
 

Une petite différence avec la JEC : les statuts. A chaque Conseil National de la JEC-Gabonaise, les jeunes, tout au moins certains, aiment passer beaucoup de temps à pinailler sur les statuts. C’est un inconvénient, mais c’est aussi un avantage : n’importe quel responsable ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Au niveau des communautés, le manque de statuts peut être un inconvénient... Mais c’est un autre débat !

Par contre, autre ressemblance avec la JEC : les communautés chrétiennes des Rois Mages ont pris une habitude : chaque mois, en fonction de l’actualité ou des problèmes qui se posent plus fréquemment, un sujet était choisi et proposé à la réflexion de toutes les communautés. Une espèce de Voir, Juger, Agir, sans le dire. Quelques sujets parmi d’autres : l’argent dans le ménage, la sorcellerie, l’éducation des enfants, comment être chrétien à l’hôpital, y-a-t-il une mort chrétienne ?

Ce dernier sujet nous avait été suggéré par René Luneau[1], qui avait passé plusieurs jours dans nos communautés en 1984. Notre réflexion fut une petite pierre apportée à la rédaction d’un ouvrage consacré à l’intelligence du mystère pascal : « Pâques africaines d’aujourd’hui »[2] Comme le dit René Luneau dans le liminaire du livre, en parlant de nos contributions : nous avons donné à voir et à entendre.

C’est en effet avec la méthode du Voir, Juger, Agir, que nous avons travaillé ce sujet, comme les autres. Nous avons pris de longues soirées, dans les différentes communautés, pour regarder les comportements traditionnels à l’égard de la mort et pour voir aussi dans quelle mesure la résurrection de Jésus avait modifié ces comportements. Le livre donne à voir et à entendre sur ce qui se passe, non seulement dans l’une ou l’autre région du Gabon, mais aussi au Cameroun, au Tchad, au Sénégal, au Zaïre, aujourd’hui République Démocratique du Congo, en Côte d’Ivoire, etc. Dommage que les communications entre tous ces pays, et donc entre les communautés chrétiennes de ces pays soient difficiles. Il y aurait encore bien des recherches intéressantes à faire ensemble pour parvenir à une « inculturation » toujours plus profonde. Avec le courrier électronique, tout ira peut-être mieux, dans quelques années… Mais en Afrique comme partout ailleurs, nous n’aurons jamais fini de comprendre, chacun avec sa culture, le mystère pascal !

En 1989 ou 1990, durant les émeutes à Libreville, certains ont été témoins de scènes de pillage. Au cours d’une réunion de communauté, quelqu’un nous fait part d’un fait qui l’a scandalisé : il a vu un chrétien sortir d’un magasin avec un frigidaire sur le dos ! « Vous vous rendez compte, un chrétien ! ». Automatiquement, réflexe de jéciste, je pose la question : pourquoi a-t-il fait cela ? Il ne suffit pas de voir, il faut chercher les causes. Plusieurs raisons furent évoquées, parmi lesquelles la raison suivante : « nous sommes dans une société où certains s’en mettent plein les poches, il a voulu faire comme eux ! ». Et ce fut le début d’une réflexion sur un sujet jusque là tabou : qu’est-ce que la politique ? Un chrétien doit-il faire de la politique ?

La JEC nous a donc apporté une façon de nous organiser.

Que l’on parle d’équipe, de comité ou de communauté, j’ai toujours été amené à vivre avec les uns et les autres, en famille, à ma place de prêtre, à côté du responsable et des chargés de... Les équipes d’enfants étaient menées par des « meneurs » ou des « meneuses ». Des accompagnateurs, juste un peu plus âgés qu’eux, leur donnaient un petit coup de main. Les comités et les communautés s’organisaient sous la houlette du responsable. Le prêtre que j’étais avec eux s’efforçait d’écouter les uns et les autres, et d’assurer la communion. Pas toujours facile ! Les conflits de toutes sortes ne manquent jamais. L’avantage, quand on fait partie de la famille depuis longtemps, c’est que l’on finit par connaître beaucoup de monde. La plupart du temps, je ne cherchais pas à résoudre moi-même un conflit. Je cherchais les personnes capables de comprendre la situation et capable de mettre de l’huile dans les rouages plutôt que de l’huile sur le feu.

Voilà comment la JEC m’a appris à être prêtre. Etre avec, vivre avec, assurer le mieux possible la communion, nous ne sommes pas loin de la messe. Malheureusement, le mot « messe » ne veut pas dire grand-chose aujourd’hui. Rappelons nous alors le saisissant raccourci de Saint Jean : « Celui qui dit j’aime Dieu et qui n’aime pas son frère, est un menteur » (1 Jean 4,20).

La communion avec Dieu, dont il est question à la messe, passe par la communion avec nos frères et sœurs. Je parlais au passé, en relatant ce que la JEC m’a apporté durant les années où je résidais au Gabon. Tout ceci reste vrai, vous l’avez compris, dans un autre contexte, celui de l’Association des Jécistes Africains en France. Ici aussi, je suis prêtre. Je ne suis pas responsable. Tous les ans, un responsable est élu (ou réélu), et chaque membre de l’association a un rôle à jouer.
Sur ce schéma encore, toujours en France, et plus précisément en Ile de France, en remplacement de l’Aumônerie des Etudiants Africains, nous avons bâti une « Coordination au service de la Jeunesse Africaine en Ile de France ». Un bureau, des personnes relais, des commissions. Je fais partie du bureau, tout comme le responsable, le trésorier, le secrétaire. A ce point de mon témoignage, je dois dire que nous rencontrons ici un problème : les autorités de l’Eglise, en Ile-de-France, ne reconnaissent pas ce mode de fonctionnement. C’est à moi, et à moi seul, qu’il a été signifié, en novembre 1999, que les activités de la Coordination cesseraient en août 2000. Mais c’est une autre question sur laquelle je reviendrai dans la troisième partie.
 
[1]René Luneau, membre du Groupe de sociologie des religions au CNRS, enseignait à l’Institut Catholique de Paris
[2] J. Doré, R. Luneau, F. Kabasele, Pâques africaines d’aujourd’hui, Collection Jésus et Jésus Christ, n°37, Desclée 1989
 
Avant de conclure, et comme annoncé plus haut, voici le Rapport Moral présenté par la responsable nationale de la JEC Gabonaise, au terme de son mandat. C’était à Libreville, en 1989, lors du Conseil National de ce mouvement. Ce rapport riche en détails sur le travail accompli durant deux années, vous permettra de comprendre un peu mieux encore, et l’organisation du mouvement, et le climat dans lequel ont germé les propositions contenues dans la dernière partie : « Si c’était à refaire »  ...


Suite au chapitre  chapitre 6 bis

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