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18 août 2006 5 18 /08 /août /2006 15:38
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Chapitre 16
 
Contre l’autonomisation du prêtre,
membre de la communauté.
 
A ce stade de ma réflexion, je dois vous dire maintenant que je me suis heurté à un grave problème. Membre à part entière de la communauté, durant vingt ans, je n’ai pas supporté le moment où j’ai dû la quitter. Au delà de la souffrance personnelle, nous rejoignons ici une autre caractéristique du prêtre tel qu’il est encore conçu assez souvent aujourd’hui : le prêtre peut être « prêtre en soi ». Au cours des siècles est apparue une autonomisation du prêtre par rapport à la communauté chrétienne. Et avec le Concile de Trente (1545 – 1563), le prêtre va devenir plus que jamais un « homme séparé. »
Alors, pour être franc, je dis ici : si c’était à refaire, je ne le ferais plus !
J’attendrais le prochain concile, ou tout du moins le concile qui remettra en honneur, d’abord et avant tout, la communauté, et qui en même temps, remettra en honneur le « prêtre au service de la communauté. » Quand on voit comment un diacre peut être appelé par sa communauté, à Boulogne-sur-mer, en 1999, il n’est pas sot de garder espoir. Le petit nombre de prêtre aidant, il n’y aura peut-être même pas besoin de concile ! Il est des murs, à Jéricho, à Berlin, qui sont tombés. Il est des structures et des façons de faire qui repoussent peut-être déjà, sans faire de bruit. Un jour nous serons surpris et heureux de les voir bien épanouies, un peu partout, sur toute la surface de la terre. Pourquoi ce jour serait-il loin ?
Par pudeur… je vous ai seulement laissé entendre combien la séparation d’avec les communautés des Rois Mages m’a été insupportable. Que l’on puisse être amené à déménager pour des raisons de force majeure, cela se conçoit. Obliger quelqu’un à changer de communauté, sans raisons précises, cela relève de… Je ne trouve même pas le terme convenable !
Je dois dire tout de même que la souffrance a été tempérée quelque peu par la compréhension et la chaleur qui n’ont jamais manqué dans ma famille, et par l’amitié de beaucoup, et particulièrement de beaucoup de jeunes. Certains sont toujours à Libreville. D’autres sont aussi, de ci de là, de par le monde ! Vous pouvez imaginer ma joie quand je suis parti à Québec passer quelques semaines de vacances avec Didier, Léa et leur jeune David. Nous avons grandi ensemble, à Akébé ![1] Ma joie encore quand Nestor et Chantal m’invitent (et me payent le voyage…) à venir à Libreville présider leur mariage religieux.
 
 
 
 
 
 
 
 Voir le film sur :
 
 
 
 
 
Par le biais de la JEC, je l’ai déjà dit mais j’insiste : j’ai trouvé aussi une nouvelle famille et de vrais amis. Florence par exemple. Nous avons participé au 9e Conseil Mondial de la JEC, à Montréal en 1982. Elle était alors responsable nationale de la JEC en Ouganda.
 
                                          Montréal, 1982, Florence (en train d’écrire) 
 
Nous nous sommes retrouvés ensuite à Nairobi, en 1984, pour un Conseil Panafricain. Elle a alors été élue au Bureau Panafricain qui se trouve à Nairobi.
 
 
 
 

 
                                               1984, Conseil panafricain de la JEC, à Nairobi
 
 
 
En 1986, retrouvailles au 10ème Conseil Mondial à Louvain. Florence est alors élue membre de l’équipe internationale. Le bureau se trouve rue de Rennes à Paris. A mon retour, en 1991, c’est donc à Paris que je la retrouve. Elle travaille à l’UNESCO depuis cette date, après les quatre années passées au service de la JEC Internationale.
Ces amitiés qui durent et qui vous aident à supporter certains coups durs ne doivent pas nous cacher certaines réalités qui sont plus que tristes. S’il est possible d’être « prêtre (ou diacre) au service de la communauté », certaines façons de faire ne sont pas mortes. Il est des autorités dans l’Eglise qui fonctionnent encore selon d’autres schémas dont les historiens situent bien l’origine dans l’histoire de l’Eglise. Origine qui ne trouve pourtant aucun soubassement dans l’évangile.
Si c’était à refaire, je ne recommencerais pas car je viens de vivre une nouvelle expérience malheureuse due à cette conception du prêtre, autonome par rapport à la communauté. J’ai honte de rapporter ici ce qui est arrivé à la « Coordination au service de la Jeunesse Africaine en Ile de France. » Il faut pourtant signaler ces façons de faire qui sont des contre-témoignages, en espérant que leurs auteurs finiront par avoir honte, eux aussi.
Il existait, depuis les années 50, sur la région parisienne, une Aumônerie catholique des étudiants Africains. J’y fus aumônier de 1993 à 2000.
 
 
1998, à Paris, avec des étudiants de l’aumônerie
catholique des étudiants africains
 
Avec les autorités diocésaines, durant toute une année, en 1998, nous avons réfléchi pour la transformer et mettre en place quelque chose qui répondrait mieux aux besoins des jeunes Africains. En 1999, une Coordination prenait son départ, et un bon départ ! Après une année de fonctionnement et un bilan positif, en novembre 1999, les autorités diocésaines signifient à l’aumônier que j’étais : « les activités de la Coordination cesseront en août 2000 ». Seul l’aumônier est averti. Les responsables et les membres de la Coordination sont royalement ignorés. Stupeur des jeunes qui écrivent au vicaire épiscopal. Pas de réponse. Lettre aux évêques. Pas de réponse. 2e lettre aux évêques, toujours pas de réponse. Bref, le jour et la nuit si l’on compare avec Boulogne-sur-mer !
Quelle honte ! « Votre église » me disent certains… Un enfant impoli, on lui donne une paire de baffes ou on le prive de dessert… Ici, avec des vicaires épiscopaux, avec des évêques, c’est un peu difficile.
 
 
 
Jean Pierre Roche ne m’en voudra pas si je reprends une citation du Père Congar qu’il donne dans son livre « Prêtres – laïcs, un couple à dépasser » (page 60) :
 
« Si les laïcs n’ont …aucune part au pouvoir proprement hiérarchique de gouvernement, ils ont un droit imprescriptible à être entendus dans l’Eglise. Faire comme s’ils n’existaient pas, les traiter toujours en enfants qui ne parlent pas dans le cercle des grandes personnes et dont on détermine d’autorité, sans eux, tout le comportement, c’est s’exposer, soit à les réduire à une passivité qui engendre bientôt le désintéressement et l’indifférence, soit à les acculer à des actes d’indiscipline et peut-être de révolte. En fait dans la violence et la verdeur de certaines interventions, il faut voir la réaction de pensées et de sentiments demeurés trop longtemps sans issue et sans possibilité d’expression. »[2].
 
Faire comme s’ils n’existaient pas…et en même temps, jouer avec le prêtre comme avec un pion, voilà qui dépasse l’entendement ! Et tout cela en l’an 2000 !
Peut-on leur trouver, à ces autorités, des circonstances atténuantes ? Peut-être… On dira, sous le trop facile paravent de la charité chrétienne, pour les excuser, qu’ils se sont arrêtés au concile Vatican I (1870). Jean Pierre Roche toujours, nous signale cette petite affirmation mise au point par ce concile :
 
« L’Eglise est une société inégale dans laquelle Dieu a destiné les uns à commander, les autres à obéir. Ceux-ci sont les laïcs, ceux là les clercs ».
 
Revenons à aujourd’hui. Depuis 1870, Vatican II est passé par là. Et il n’est pas défendu de préparer Vatican III. Alors si c’était à refaire…
J’essayerais d’être un peu mieux encore, au service d’une communauté, en évitant au maximum de « faire tout » d’une part, et d’en être le patron d’autre part !
En évitant de « faire tout » : une religieuse d’un certain âge se rappelait devant moi son enfance, son village et le curé de l’époque qui « faisait tout » si merveilleusement bien… Une jeune fille me demandait : « si vous étiez marié, si vous aviez une femme et des enfants, pourriez vous faire tout ce que vous faites ? ». Ce « tout » est bien ancré dans la tête de ceux qui nous voient vivre de près même si ceux qui nous voient vivre de loin pensent souvent que nous ne faisons rien, sortis de la messe du dimanche !
En essayant d’éviter d’en être le patron, je continuerais à avancer à contre courant. Je dis bien « essayer », en repensant à ce que j’ai vécu à Libreville où les jeunes étudiants du Bureau National de la JEC avaient bien conscience d’être responsables et ne se laissaient pas marcher sur les pieds par un adulte, fut-il l’aumônier. Par contre les enfants, trop jeunes, et les adultes trop respectueux avaient vite fait de se soumettre... consciemment ou inconsciemment, au prêtre. Il est difficile de sortir de ce cercle vicieux : les adultes sont plutôt conservateurs, le prêtre a plutôt tendance à en profiter...
Et si Achille Mbembe a raison d’écrire :
 
« En dépit des déclarations officielles sur le rôle des laïcs, tous les efforts de renouveau semblent dépendre, dans la pratique, de l’agrément et de la disponibilité des curés. La fonction sacerdotale apparaît ainsi comme l’instance déterminante du pouvoir dans les communautés et les paroisses. »[3]
 
... il faut ajouter que l’attitude des chrétiens contribuera à freiner ou à accélérer le mouvement.
 
 

 
 
 
Aux Rois Mages, le Bureau des communautés n’a pas toujours comporté que des « béni oui-oui. » Des chrétiens adultes, responsables, il en existe dans l’Eglise. Espérons que leur nombre ne fera qu’augmenter dans les années à venir et que le pouvoir finira par être partagé !
Je voudrais ici poser une question, à partir de quelques observations très précises.
 
 
 
Ces dernières années, des chrétiens de plus en plus nombreux quittent leurs Eglises pour se retrouver dans ce qu’on appelle aujourd’hui des « Eglises éveillées ». En constatant comme tout le monde cette hémorragie, je pensais qu’une des causes principales était à rechercher du côté de la formation. Nos catéchismes conduisent-ils à une vraie rencontre avec le Christ ? Par ailleurs, pourquoi ne pas retenir une autre question posée assez souvent : nos communautés ne sont-elles pas trop grandes, trop anonymes ? N’y manque-t-il pas cette chaleur humaine que certains sont heureux de trouver dans ces « Eglises éveillées » ?
Mais aujourd’hui, après avoir entendu les récits de quelques jeunes qui nous ont quittés, je crois qu’il ne faut pas négliger une autre raison possible qui expliquerait quelques-uns de ces départs : dans notre Eglise encore beaucoup trop cléricale, bien des laïcs ne se sentent pas considérés comme des adultes. Leurs compétences ne sont pas toujours reconnues et mises au service de tous.
Alors que dans la société, l’homme et la femme modernes sont obligés de se comporter en adulte, dans l’Eglise, ils sont encore ceux auxquels il faut apporter quelque chose. Le vocabulaire change peut-être... Les « directeurs de conscience » deviennent rares, on parle de « conseiller spirituel », on parle d’ « accompagnement », mais derrière les changements de vocabulaire, que se passe-t-il exactement ?
En disant cela, je pense à cette jeune fille qui, à la fin de ses études secondaires, quittait en cachette l’internat d’un lycée de Libreville pour venir aux Rois Mages, le samedi après-midi, se préparer au baptême. Elle sortait de l’internat sans autorisation car personne dans sa famille ne pouvait ou ne voulait s’occuper d’elle.
Elle a été baptisée. Elle s’est comportée ensuite en chrétienne responsable, mais dix ans après on la trouve dans le « Ministère de la Voie Internationale. » J’ai eu tort de manier l’ironie devant elle, face à une telle appellation. Voulant comprendre un peu ce que cela voulait dire, elle m’a demandé de lui expliquer d’abord ce que c’est qu’une « congrégation »... car elle sait que je suis dans une congrégation ! Question langage ésotérique, nous ne sommes pas les derniers  ! Plus sérieusement, après un long entretien avec elle, il me semble que parmi les motivations qui la poussent dans cette nouvelle voie, il y a le fait qu’elle peut développer ses talents, disons d’« évangéliste »... Elle est reconnue, elle est considérée comme une adulte.
Je me trompe peut-être mais j’ai l’impression qu’il y aurait à creuser dans cette direction. La façon dont s’exerce le pouvoir dans notre Eglise n’est-elle pas une des causes qui expliquerait le départ de beaucoup ?

 
Septembre 2007, Rachel veut bien s'exprimer elle même !
 
Voir la vidéo "Le témoignage de Rachel", ci dessous,  en bas de la page.

 

 

Comprendre l'attrait des "églises éveillées"

  

Ne plus « tout faire », ne plus être le seul à décider de tout et de rien, laisser à chacun sa place et toute sa place, voilà un travail de longue haleine. Et finalement peut-être vaut-il mieux ne pas être trop pressé. Comme l’écrivait dans La Croix du 15 novembre 1991, le Père Gélineau : « Si du jour au lendemain, on avait des prêtres dans toutes les paroisses, par exemple en ordonnant des pères de famille, ceux-ci pourraient-ils faire autre chose que de reconduire le modèle du prêtre hérité de la société chrétienne, et toujours en vigueur ? »
« Toujours en vigueur », dix ans plus tard, en 2001. Un exemple, ici, en France. Un prêtre annonce à quelques confrères sa nouvelle affectation : « Me voici à la tête (avec la collaboration de nombreux laïcs bien sûr…) d’une paroisse de 18 communes pour 10200 habitants ». Sa parenthèse me semble un peu malencontreuse. 18 communes, cela suppose 18 clochers, et sans doute 18 communautés. Et « ces nombreux laïcs », ces communautés seraient incapables de se trouver chacune un chargé de la communion ?
« Me voici à la tête » : à leur tête ou… à leur service ?
Entre 1978 et 2000, j’ai pu suivre de près l’évolution d’une communauté chrétienne très sympathique, celle d’Hesdin l’Abbé, village situé à une dizaine de kilomètres de Boulogne-sur-mer. Mes parents habitaient ce village de 2000 habitants environ.
  

 
 
 

 

 
1991, jour de fête dans la communauté d’Hesdin l’Abbé
 
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Voir La vue panoramique de la paroisse  d'Hesdin l'Abbé sur le site :
 
En 1978, un prêtre habitait le presbytère. Il desservait aussi les deux villages voisins qui n’avaient déjà plus de prêtre. Je ne l’ai pas entendu dire qu’il était à la tête d’une paroisse de trois communes, mais à chaque congé, je l’accompagnais le dimanche matin dans les trois églises où il m’invitait à présider l’eucharistie. En 1989, ce prêtre décédait. Le presbytère resta vide. Durant une dizaine d’années, c’est un prêtre qui habitait Boulogne-sur-mer qui venait chaque dimanche assurer l’eucharistie. Il avait aussi à cœur de connaître les membres de la communauté chrétienne. Depuis trois ou quatre ans, ce prêtre ne vient plus. Une nouvelle organisation a été mise en place : un dimanche sur trois la messe a lieu à Hesdin l’Abbé. Les deux autres dimanches, ce sont les chrétiens d’Hesdin l’Abbé qui se déplacent et qui rejoignent l’église d’un des villages voisins où la messe est célébrée.
 
Durant toutes ces années, j’ai vu les chrétiens d’Hesdin l’Abbé s’organiser et se prendre en main : permanence, accueil au presbytère, catéchèse, chorale, liturgie, finances, etc. A Hesdin l’Abbé, comme en bien d’autres endroits, il serait certainement très facile de trouver une et même plusieurs personnes qui pourraient être, non pas à la tête…, mais au service de la communion.
Le nombre des prêtres allant plutôt en diminuant, un nouveau modèle devrait petit à petit prendre la relève de celui qui n’est pas encore tout à fait mort. Certes, dans certains pays, il semble qu’il y ait des prêtres, sinon en abondance, au moins suffisamment. Malheureusement, sans vouloir généraliser, il faut tout de même entendre la réflexion de ce jeune ivoirien qui remarquait : « Jésus Christ ne brûle pas dans le cœur de tous ces prêtres ».
 
 
[1] Cf. plus haut, page 35
[2]Père Yves Congar, Masses ouvrières, N° 18, décembre 1946, p.37.
 
[3] cité par R. Luneau dans « Laisse aller mon peuple », Karthala, 1987, p.184
 
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